NORTH YORKSHIRE

Oxenholme lake district... le nom de la gare où est venu me chercher mon ami John, pour passer quelques jours chez lui, tout au nord de l'Angleterre, dans un petit village plein de pierres et de maisons anciennes, toutes de granit vêtues.

Dans sa Land Rover aux couleurs du village, il m'emmène au bout de la vallée, lui le grand saxophoniste, idôle devenue ami. Il me guide là où on dirait que personne ne va, malgré les traces sur les chemins au sol. Personne, d'un bout de l'horizon à l'autre, et les seules âmes vives, mises à part les nôtres, sont les moutons, disséminés à perte de vue sur les vallons à l'herbe drue et rase, tondue par leurs soins.

Nous marchons en cette fin de jour. Il n'est que quinze heures, et pourtant la nuit semble déja s'annoncer. La lumière, aux étranges couleurs d'une saison qu'il faudrait inventer, baisse déja, en une interminable agonie. Ce n'est que le milieu de l'après-midi, et pourtant la nuit est déja palpable... Elle s'immisce insidieusement et gagne du terrain sur le jour qui resiste tant bien que mal, mais qui ne gagnera pas. C'est sans doute déja l'hiver, le vent froid des plaines saisit la peau de mon visage. Les arbres n'ont plus de feuilles, mais les couleurs sont d'automne, ou d'un matin d'été. Couleurs à la fois vives et délavées... sombres et gaies... quand le rose tourne à l'orange, au brun... en un spectre qui vire de minute en minute au soleil qui s'incline, aux nuages qui passent. Etrange lieu, en ces hauts de hurlevent où nos pas se hasardent aujourd'hui...

Le linceul noir de la nuit aura bientôt recouvert la vallée et, chaussures boueuses, nous rentrons au village, fourbus, mais le visage rougi de froid et les pommettes souriantes. C'était une après-midi magique, entre le froid pictural de ce paysage qu'un décor de cinéma n'aurait pas pu mieux recréer, et la chaleur amicale de deux hommes qui marchent et se racontent leurs vies, leurs instants précieux à chacun, leurs parcours... leurs amours.

Nous traversons un pont, le devil's bridge, qui porte bien son nom dans ce tableau mysterieux alors que la nuit a presque fini de se répandre sur les berges de la Lune... (La Lune est le nom de la rivière qui passe en dessous!...). Quelques rues plus loin, un pub chaleureux nous y attend déja, et ce sont mille reflets d'or et d'ambre qui scintillent dans une belle pinte pour réchauffer mon corps. Les verres tintent, les gens parlent fort et rient et nous nous joignons à eux. Un défi à la nuit. Nous ne nous rendrons pas sans combattre ! La nuit est peut-être tombée, mais dans la chaleur de ce pub anglais, nous continuons le jour... Une autre pinte m'arrive d'ailleurs déja...

(à suivre...)

(Yorkshire, Novembre 2007)